IA : exerçons le discernement des jeunes !
Ce mois-ci, le Parlement européen a adopté l’IA Act en session plénière. Ce texte doit permettre de mieux réguler les pratiques les plus risquées, en interdire certaines, et favoriser plus globalement l’innovation dans l’Union européenne. Un enjeu considérable avec l’arrivée des IA multimodales parfois déstabilisantes car s’entrecroisent de nombreuses sources de données telles que images, audios, vidéos ou encore textes. Les plus jeunes sont particulièrement exposés car désireux d’apprendre grâce à l’IA. En les accompagnant, nous pourrions leur permettre d’en tirer des expériences de développement significatives. Exerçons leur capacité de discernement !
De l’IA unimodale à l’IA multimodale : les développements s’accélèrent
La donne change, alors que nous avions à disposition des outils d’IA dite “unimodale”, qui n’acceptent qu’un seul type d’entrée comme par exemple du texte, nous voyons aujourd’hui fleurir un certain nombre d’IA multimodales par les géants de la tech. Ces plateformes prennent en charge tous les types de données : des images, du texte, de l’audio ou encore de la vidéo. Nous pouvons leur envoyer une image par exemple et leur demander ce qu’elles en comprennent, la manière dont elles peuvent la décrire et aussi des modifications de visage ou d’objet. En réponse, en quelques secondes, nous obtiendrons un texte descriptif et surtout une image modifiée !
Pour aller plus loin, si nous leur transmettons un business plan, elles vont être aujourd’hui capables de l’analyser et juger de sa qualité !
Comme ce fut le cas lors du lancement de ChatGPT par OpenIA, sur une base texte, les questionnements ont été nombreux, avec un partage entre de l’enthousiasme et du scepticisme et de la crainte face à l’émergence de contenus inappropriés et faux par exemple. Pour autant, en décembre dernier, Ipsos a mené pour Sopra Steria une étude pour cette IA générative. Et le constat est sans appel, plus de la moitié des répondants sont familiers avec cet outil d’IA et l’ont déjà utilisé (sur la base d’un échantillon de 1 000 personnes de 18 ans et plus constituant un échantillon national représentatif de la population française métropolitaine). Cela laisse prédire une montée en puissance des plateformes multimodales, plus complexes à appréhender car ouvertes à une multitude de sources de données différentes.
Des jeunes à sensibiliser rapidement
Dans cette même étude, il est confirmé que ChatGPT est surtout connu par les plus jeunes, avec 72 % des moins de 35 ans qui connaissent l’outil. Les mineurs et jeunes majeurs sont très exposés. En janvier 2023, la fondation Mozilla affirmait, selon une enquête menée dans plusieurs pays dont la France, qu’à l’âge de 11 ans, près de neuf enfants sur dix utilisent déjà Internet. Déjà qu’adulte, nous ne sommes pas suffisamment informés et formés à la bonne utilisation de ces outils, imaginez les plus jeunes ! Utilisons-les avec prudence car ce ne sont pas des outils créatifs mais bien répétitifs des tâches humaines.
Aujourd’hui, les jeunes disposent véritablement d’un assistant entre les mains avec l’intelligence artificielle. Il s’agit bien d’un bot avec lequel ils peuvent échanger et qui peut leur donner des explications sur tout. Or, notre cerveau a besoin de s’entraîner, tout comme un muscle. Et le risque est qu’ils n’éprouvent plus ce besoin car cet assistant pense à leur place !
Alors, comment les accompagner pour qu’ils préservent et développent leur pensée ? En se familiarisant nous-mêmes, parents, enseignants avec ces outils, en comprenant leur fonctionnement et en encadrant leur utilisation. Notre capacité de discernement aura ainsi de plus de valeur. Mais surtout, il s’agit de les guider pour accroître leur propre sens du discernement et de résistance intellectuelle. Des atouts essentiels pour des choix libres, éclairés et justes à leurs yeux.
L’enjeu est d’autant plus important que ces plateformes IA commencent à comprendre nos émotions
La prochaine étape dans l’IA multimodale, sur laquelle les géants de la tech travaillent activement, va prendre en compte nos émotions. D’ailleurs, certains logiciels commencent déjà à suivre nos comportements : nos visages, nos mains, nos mouvements plus globalement. En intégrant ces nouvelles données, les réponses fournies par ces outils seront davantage personnalisées pour chaque utilisateur. Ce qui pourrait renforcer méfiance quant à leur véracité ou impartialité.
Pour autant, les opportunités offertes par l’IA sont indéniables. Elle peut pleinement renforcer nos connaissances et favoriser une meilleure compréhension en plus de nous pousser à effectuer une analyse fine des données qu’elle met à disposition. Auprès des plus jeunes, elle agit comme accélérateur d’expériences dès lors qu’ils sont en capacité de d’absorber les informations avec discernement.
Par Rabih AMHAZ, Responsable du département Numérique. Enseignant-Chercheur, Icam site de Strasbourg-Europe